L’intervention de crise auprès des victimes directes (sur place) ou indirectes (famille et proches) d’attentats est une spécialité. Malheureusement, après, l’Assemblée nationale, Polytechnique, Concordia, Dawson, Métropolis, Saint-Jean-sur-Richelieu, le Québec a une expérience concrète de ce type d’aide. Il en va de même des suivis post-traumatiques.

Cependant, à l’égard des attentats, il est un domaine moins connu : la préparation pour un meilleur retour possible des personnes affectées. En effet, pour la victime, après une période de rétablissement relatif, la guérison passe souvent par le retour au travail. Il convient toutefois d’éviter la pensée magique voulant que le simple passage du temps arrange les choses.

Voyons voir comment cela se présente.
D’une part, avec une aide professionnelle spécialisée, le cheminement vers la guérison de la victime est facilité par le soutien des proches, les possibilités de discussion, le respect de l’intimité et un cadre de vie permettant une normalisation. D’autre part, au travail, le désir d’aider est très présent, mais la peur d’intrusion est probablement aussi grande. En outre, on observe que les idées de soutien se bousculent dans la tête des gens. Ils sont de fait confrontés à une désorganisation qui ne facilite rien.

La solution vient d’une meilleure organisation de l’accueil.
Afin d’offrir le meilleur accueil possible à la victime, il est profitable de réunir quelques personnes autour du gestionnaire. Pensons aux collègues proches et à d’autres particulièrement préoccupés par un désir d’aide. Ce type de rencontre peut être animée par un spécialiste des organisations, un conseiller RH ou par un gestionnaire. Les points suivants sont à explorer :

Inquiétudes
Il est important de demander à tous les questions qui les talonnent ou les inquiétudes qui les préoccupent. De très bonnes idées résident dans ces hésitations.

Les relations avec la victime
Il est nécessaire d’avoir des informations ayant trait aux relations entre la victime et les gens susceptibles d’aider. Ces relations peuvent être de type fonctionnel (on travaille ensemble) ou relationnel (nous sommes amies). Par ailleurs, pour des raisons personnelles, culturelles, temporelles ou autres, il se pourrait que la personne ne soit pas bien intégrée. Cet aspect est à prendre en compte. Alors, respectueusement, il importe de travailler à une meilleure insertion dans les communications et les activités importantes de la vie de l’organisation.

Contacts récents
Demandez-vous si après l’attentat, il y a eu des contacts entre certains employés ou gestionnaires et la victime? Tout en respectant la confidentialité, le groupe doit tirer des conclusions de ces contacts et envisager leurs impacts positifs ou négatifs sur le retour.

L’expérience d’une perte importante
Il est rare qu’aucune personne n’ait expérimenté une perte importante ou accompagnée quelqu’un affectée par cela. À ce chapitre, les questions suivantes peuvent apporter des réponses à vos hésitations : Qu’attendiez-vous des autres? Comment a été reçu le soutien offert? Que retenez-vous de cette expérience?

Brassage d’idées
Il est maintenant temps de générer d’autres idées comme : préparer des plats, offrir des cartes provenant des différentes équipes, rencontrer la personne avant son retour, etc. Par la suite, le travail consiste à soupeser le pour et le contre de chacune des idées. Cette réflexion comprend la meilleure répartition des actions entre tous. Ne perdez pas de vue qu’une personne proche peut aisément offrir du soutien émotif, alors que ce sera plus difficile pour une autre ayant peu de contacts préalables.

Quelques principes simples à retenir
Ne faites pas semblant ou ne forcez pas la note;
Fiez-vous à votre intuition devant votre idée : Est-ce trop ou pas assez?
Demandez à la personne comment elle reçoit ce qui lui est offert;
Demandez-lui comment elle se sent, comment va-t-elle;
Parlez-vous entre collègues et tenez votre gestionnaire informé.

Le rôle du gestionnaire
En raison du caractère exceptionnel et potentiellement traumatisant de l’attentat, il convient de faire de la prévention.
1. Au moment opportun, accueil de la victime par le gestionnaire;
2. Ajustement du travail en fonction de la condition de l’employée;
3. Évitement de la surprotection, surtout lorsque l’employée manifeste un désir inverse;
4. Vérification des conditions de réussite à l’accomplissement de ces tâches et à une vie correcte au travail;
5. Vérification de l’utilisation d’une aide professionnelle spécialisée, permettant une réflexion sur les façons de vivre un tel drame;
a. Le cas échéant, référez-la au PAE;
6. Affirmation du soutien de la gestion et invitation à des rencontres au besoin.

Par la suite
7. Établissez une veille en demandant aux proches collègues de surveiller des signes inquiétants ou difficiles à interpréter.
a. Surtravail, baisse de régime, concentration, etc.
b. Mutisme, apparence corporelle, colère soudaine, etc.
8. Dans l’affirmative, parlez de ces signes avec l’employée et demandez-lui si tout se passe bien.
9. Dans le besoin, contacter le PAE pour un coaching relationnel (comment aborder certaines inquiétudes avec l’employée).

Ayant animé ce type de rencontre, je peux vous assurer que nombreux points suggérés dans ce texte sont spontanément abordés par les collègues désirant aider la victime. Ce n’est pas si compliqué. Considérez mes propos comme des suggestions et un appel à des réflexions ouvertes.

Bien organisées, vous offrirez à la victime le meilleur soutien possible dans votre milieu de travail. Ce filet de petites et de grandes attentions augmentera les facteurs de protections et de guérisons à votre portée.

Pour la victime, le reste du chemin sera parsemé de douleurs, d’apprentissages et de reconstructions. Ce sera à elle de marcher ce parcours. Il faut accepter notre impuissance en ces matières. C’est plus facile, lorsque l’on est convaincu d’avoir fait tout ce qui était à notre portée.