Le nécessaire appui aux gestionnaires en temps de crise
En mer, qui souhaiterait vivre une tempête, sans officiers de navigation en contrôle? Pourtant, lors de certaines traversées agitées, l’État a déjà abusivement coupé dans le personnel d’encadrement et dans les programmes de soutien à son endroit. Ces décisions n’ont pas été sans conséquence néfaste. Aujourd’hui, la survenue de l’ouragan COVID-19 oblige un apprentissage des leçons tirées de ces années passées de négligence.
Années 2014 – 2016 au Québec
Pendant trois ans, le Québec vit une période marquée de restrictions budgétaires et une restructuration majeure du système de la santé et des services sociaux. L’accumulation des défis concomitants est inquiétante. Mentionnons la révision des planifications, l’implantation de réorganisations, la mobilisation d’équipes abasourdies, l’obligation de faire plus avec moins, la gestion des rivalités, les palliatifs aux absences et l’administration pour une prestation attendue de services.
Pourtant, devant leurs travaux d’Hercule, les cadres de la fonction publique voient leur nombre diminuer de façon significative. Les Directions des ressources humaines (DRH) ressemblent à Sisyphe devant sans arrêt pousser un énorme rocher vers le sommet. Pour couronner le tout, plusieurs organismes gouvernementaux mettent fin aux services de soutien organisationnel offerts par des ressources internes et externes.
La liste des répercussions s’allonge rapidement : fortes contestations, augmentations des conflits, dégradations de climat de travail, taux inquiétants de démissions, désorganisations avec impacts sur la performance et accumulations des invalidités. Bien sûr, confrontés à autant d’obstacles, les cadres s’épuisent.
Les gestionnaires sont comme des officiers de navigation
Dans l’actualité, on rappelle régulièrement qu’une organisation ne peut atteindre ses objectifs sans « équipage » qualifié et suffisant. Il est plus rare d’y lire ou entendre des commentaires sur les rôles essentiels d’un bon groupe « d’officiers de navigation. »
Être gestionnaire c’est être souvent seul avec des pressions provenant de responsabilités nombreuses et diversifiées. L’énumération de compétences associées à un poste de gestion est la plupart du temps irréaliste. Pour l’exécution de ses fonctions, outre ses collègues, il peut compter sur les intervenants de la DRH. Selon l’image maritime, ces derniers assurent le soutien à la navigation. Ils fournissent des instruments, élaborent des cartes, forment des officiers, travaillent aux infrastructures et balisent des chenaux. Sans une Direction des ressources humaines bien dotée, les périls sont inéluctables.
Cependant, il est fréquent que ces intervenants soient accaparés par des tâches très spécialisées ne souffrant pas d’erreurs et de retards. Pour ces raisons, ils requièrent les services externes de soutien à la gestion offerts par des psychologues organisationnels, avocats ou administrateurs. Les appuis se font sur deux plans. D’abord, les consultants aident à l’exécution de tâches inhabituelles. Par exemple, il peut s’agir d’un diagnostic organisationnel. Ensuite, à l’image des pilotes, lors d’un passage dans une voie difficile, ils partent sur l’eau avec les officiers. Les ressources externes font par exemple une médiation, une consolidation d’équipe ou du conseil. Il ressort de cela que ces contacts avec la DRH ou avec les consultants sont des occasions nécessaires de réflexion, d’organisation et d’apprentissage pour les cadres. La santé organisationnelle en dépend.
2020, l’année de l’ouragan catastrophique
Au Québec comme partout dans le monde, les menaces à la santé confinent aux cabines en suscitant de vives craintes. Pendant ce temps, afin de fournir les services essentiels à la survie, des personnes continuent de peiner à la tâche et d’affronter les risques. D’autres évaluent les dégâts, planifient les réparations et réfléchissent aux trajectoires du futur. Pour arriver relativement indemnes à destination, nous avons besoin de capitaines et d’officiers de navigation capables à la fois d’affronter les avaries ou les maladies et de susciter l’espoir ou le choix de bons caps.
Les chocs sanitaires et économiques de la COVID-19 entraineront l’investissement de sommes colossales, mais aussi la révision de choix de société. Des décisions difficiles, mais parfois salutaires seront prises. Dans les organisations et les entreprises, des interventions ou des objectifs normalement considérés importants seront remis sine die. Des pratiques comme le télétravail et la téléconsultation deviendront incontournables.
Dans cette période de longue perturbation, les gestionnaires des secteurs publics et privés auront particulièrement besoin de l’appui de leur Direction des ressources humaines et du soutien de ressources externes spécialisées. La qualité des stratégies, la détermination dans l’application et l’alliance avec les employés y seront liées. Il importe de souligner aujourd’hui les liens entre notre santé collective et nos choix d’investissements futurs.
Richard Marcotte psychologue organisationnel, médiateur, coach de gestion