Au début de ma carrière, je me suis présenté devant des employés d’un département de soutien administratif. Leur gestionnaire m’avait informé que de vieux conflits les affectaient depuis fort longtemps. J’avais donc un mandat d’amélioration du climat de travail de ces équipes.
Sans savoir pourquoi, j’ai commencé ma présentation à tous par une boutade. « Nous ne sommes pas ici pour trouver d’autres problèmes, mais pour mettre la main sur des solutions! » À ma surprise, tout le monde s’est mis à applaudir. Cela faisait 26 ans que des conflits perduraient à cet endroit. Ils connaissaient trop bien leurs problèmes, mais des rancunes et des habitudes malsaines leur obstruaient les voies de sortie. Avec ces applaudissements, les employés décidaient de croire à nouveau à un milieu de travail sain et de s’engager en conséquence. Ils disaient haut et fort qu’ils n’en pouvaient plus de passer ainsi tant d’heures de leur vie.
Nous avons effectivement déterminé des solutions pertinentes : révisions de rôles et de responsabilités, meilleures façons d’être équitable, médiation pour certaines relations, responsabilités de gestion pour un plan d’action, responsabilités individuelles à assumer.
Avec la progression de l’intervention, j’ai vu des gens heureux de tourner la page. Certains se sont même pris dans leurs bras en signe de réconciliation. Malgré que je fusse un débutant, je ne me suis jamais valorisé outre mesure avec ce succès, car ces gens étaient prêts au changement. Ils n’attendaient qu’un prétexte rassurant pour avancer.
Intervenir sur les climats de travail est passionnant
Les interventions sur les climats de travail sont passionnantes. Aucune n’est vraiment semblable à une autre. Chaque personne, chaque groupe, chaque milieu, chaque circonstance apportent des couleurs particulières aux conflits et aux solutions.
Dans le département décrit plus haut, plusieurs facteurs alimentaient le mauvais climat de travail. Cependant, l’histoire des rivalités interpersonnelles et professionnelles avait eu une influence déterminante en fixant les perceptions et les attitudes des gens. Les différends non résolus se réinventaient au fil des occasions. Le moindre terrain vague était occupé par ces mauvaises herbes. Il en découlait que chaque nouveau gestionnaire avait l’impression de recevoir une invitation à une marche dans un champ de mines.
Dans d’autres milieux, les situations invivables au travail peuvent être attribuables à un assemblage de facteurs innombrables, dont les dosages ne sont jamais les mêmes : Équipe de gestion dysfonctionnelle, organisation du travail déficiente, personnalité problématique, intérêts divergents, gestion mal adaptée, éthique problématique, compétition malsaine, pressions budgétaires, culture dépassée, etc.
Les gens savent
Pourtant, malgré cette grande complexité, la plupart du temps, les gestionnaires et les employés peuvent décrire précisément les problématiques importantes à traiter. Plus les années passent et plus je me rends compte que la mise sur pied d’un long et couteux processus de diagnostic est souvent inutile. Les gens savent; il faut les écouter.
Bien sûr, il reste des situations rendant nécessaires les diagnostics: perte importante de contrôle, dissimulation, hyperconflit, personnalité toxique, ruptures de confiance, etc. Cependant, pour la majorité des climats de travail dégradés, la compréhension des problématiques et l’élaboration des solutions efficaces se trouvent dans la parole organisée des principaux intéressés.
Personnellement, je trouve toujours de la beauté dans les mauvais climats de travail. Entre autres, parce que ces groupes immatures sont composés de personnes intéressantes. La richesse de leurs connaissances et de leurs analyses, la confiance accordée et l’acceptation de se mettre en déséquilibre me révèlent chaque fois une part d’admirable des humains.